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Oklahoma-Occitania
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Oklahoma-Occitania
  • Échanges culturels entre les Occitans de France et les Indiens d'Amérique (USA, Canada) : tribus Osage, Kiowa, Comanche, Cherokee, Pawnee, Choctaw, (Oklahoma), Lakota (Sud Dakota), Innu (Canada), etc.
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15 février 2007

La dernière cérémonie

vanessa_avec_plumes_ par Vanessa Pokeigope Jennings (tribu Kiowa)   

    Il y a de nombreuses années, mon grand-père Stephen Mopope assistait aux cérémonies du culte du peyotl. La dernière d’entre elles eut lieu pendant la deuxième guerre mondiale.
    La plupart de mes oncles et autres parents furent envoyés en Europe ou sur le théâtre des opérations du Pacifique aussitôt après avoir terminé leur instruction militaire.
    Cependant, quelques-uns revinrent dans leur famille avant d’être envoyés outre-mer. Mes grands-parents en profitèrent pour préparer des rituels et cérémonies importantes pour la protection des guerriers dans les combats.
    Une cérémonie du peyotl fut dédiée à l’un de mes oncles. Ma grand-mère était occupée à faire la cuisine ainsi qu’à d’autres préparations de cet événement important. Le Tipi et les objets rituels étaient prêts. Cette nuit-là tout se présentait bien.
    Cependant, au matin, il sembla évident à tous que quelque chose d’important venait de se produire au cours de la cérémonie. Ma grand-mère était joyeuse et enthousiaste. Elle s’approcha de mon oncle avec fierté et amour. Mon oncle se leva et la regarda avec une grande tristesse. « Tante Jeannette, lui dit-il, je veux vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour moi. Je vous en suis très reconnaissant »

    Surprise, ma grand-mère répondit : « Eh, ne parle pas ainsi… Quand tu reviendras… »
    Mon oncle la prit fermement dans ses bras et lui dit : « Je ne reviendrai pas… Pas vivant ! Ils ramèneront mon corps ! Je l’ai vu dans le feu cette nuit. Je ne reviendrai pas. C’est pourquoi je vous dis maintenant combien je vous suis reconnaissant pour tout ce que vous et mes oncles avez fait pour moi. » Puis il se retourna et partit.
    Une grande tristesse envahit le cœur de ma grand-mère. Elle s’approcha de mon grand-père qui était assis face à l’est. Son visage ruisselait de larmes, aucun mot ne sortait de sa bouche. Seul le vent de l’Oklahoma troublait le silence. Peu après mon grand-père parla : « la nuit dernière tout allait si bien. Les prières étaient ferventes et les chants se succédaient. Alors, cette médecine me parla : « toi et ton garçon, soyez forts, je vais vous montrer quelque chose. Regardez mon feu. »
    Et mon grand-père dit : « je regardai et je vis le cercueil de mon garçon recouvert de notre drapeau américain. C’était terrible. Aussi longtemps que je vivrai, je fais le vœu de ne plus jamais participer à une cérémonie du peyotl ! Je ne suis plus assez fort pour supporter ce que me montre cette médecine. »

    Le caporal Lyndreth Leon Palmer, de l’Armée des Etats-Unis, Deuxième guerre mondiale, 10ème division blindée (la division Tiger), 3ème Armée fut tué au combat le mardi 5 décembre 1944. Le caporal Palmer était né prés de Redstone au sud-ouest d’Anadarko (Oklahoma). Il avait été affecté au 21ème bataillon de chars de combat. Il débarquait à Cherbourg le 10 septembre 1944. Il connut le baptême du feu en octobre près de Mars La Tour où l’armée ennemie fut mise en échec. A la mi-novembre l’offensive fut lancée. La Moselle fut traversée à Malling d’où la division mit le cap sur la Sarre au nord de Metz. Ce fut au cours de cette opération que l’oncle Lyndreth Palmer fut tué dans une patrouille de reconnaissance. Il fut le premier militaire Kiowa tué au combat.

    Mon oncle a été décoré de la valeur militaire à étoile de bronze et de la croix de « Purple Heart ».

    Dorothy Whitehorse et Lamy Asepermy, mes proches parentes font de mon oncle un portrait émouvant : celui d’un jeune homme qui aura éternellement 22 ans. Sa tombe se trouve au cimetière de Saint-Avold dans la Moselle, carré J, rangée 25, tombe n°15. Mon ami Christian Klesper qui est professeur, ses étudiants et ses amis s’occupent de la tombe de mon oncle. Des fleurs fraîches y sont déposées le 4 juillet, jour de notre fête nationale, le 11 novembre, le jours de la fête des mères américaines, le 14 juillet, le jour de son anniversaire (14 mars 1917) ainsi qu’en d’autres jours fériés américains et français.

    Mon grand-père, Stephen Mopope, mourut en 1974. Il tint parole : plus jamais il ne participa à une cérémonie du peyotl. A ses funérailles, le président du Chapitre kiowa de la Native American Church fit son éloge. Il portait, ainsi que les autres hommes, la couverture rouge et bleue du rite du peyotl lorsqu’ils vinrent lui rendre le dernier hommage. Ce fut un dernier adieu d’une grande dignité. C’est ma grand-mère Jeannette Berry Mopope, qui m’a raconté tout cela avant sa mort en juillet 1970.

 Vanessa Paukeigope Jennings


kiowa

Les frères Palmer. En médaillon Lyndreth Palmer, tué au combat en France
et enterré au cimetière américain de Saint Avold (Lorraine)
(tribu Kiowa, Fort Cobb, Oklahoma)

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