De Montségur à Wounded Knee (1/4)
De Montségur à Wounded Knee
Deux sites tragiques s’interpellent et se répondent par-delà les siècles, les mers et les continents. Deux lieux de hautes civilisations anéanties par le désir de conquête, la volonté de dominer, la force brutale.
Montségur, Wounded Knee, deux massacres que nous mettrons en parallèle avec respect, pour les commémorer ensemble d’abord, mais aussi pour que cette mémoire commune serve de base de départ aux Guerriers de l’Arc-en-Ciel.
Aujourd’hui Morris Bull Bear, Sioux-Lakota-Oglala, évoque le massacre qui signe en lettres de sang la fin des guerres indiennes et le début de la politique des réserves. Dans le prochain article il nous livrera ses impressions personnelles sur Wounded Knee, hier et aujourd’hui. Il est traduit par Claudine Bull Bear, son épouse, Occitane de Leucate.
Dans l'article suivant, la tragédie de Montségur sera rappelée par Jean-François Laffont.
C'était il y a 119 ans :
Le massacre de
Wounded Knee
par Morris Bull Bear (traduction : Claudine Bull Bear)
Morris Bull Bear
Le massacre de
Wounded Knee1 fut commis le 29 décembre 1890 près du village de Pine Ridge2
au sud-ouest de l’actuel État du Sud Dakota où le vieux chef Big Foot3 et
sa bande composée de trois cents Indiens, femmes, enfants et vieillards s’étaient
rendus pacifiquement.
le chef Big Foot jeune
Après le massacre des bisons par les hommes blancs la nourriture manquait. La faim et le froid terrible de cet interminable hiver avaient épuisé les vieillards, les femmes et les enfants. Aussi, étaient-ils venus se rendre.
Alors que tous les guerriers avaient été désarmés, les soldats ouvrirent le feu à cause d’un geste mal interprété de Big Foot. Le chef avait lancé en l’air une poignée de terre afin de signifier symboliquement la perte de liberté qu’impliquait l’enfermement dans une réserve.
le 7ème régiment de cavalerie
En 1868 les sept bandes du peuple Sioux avaient signé un traité avec le gouvernement des États-Unis. Ce traité garantissait la protection des colons, venus s’installer et bâtir leurs maisons sur le Territoire Indien, sans notre permission. Les Indiens devaient être rassemblés dans des parcelles – les réserves – choisies par le gouvernement qui pensait ainsi agir pour leur bien. Il prenait notre terre, le bien que nous considérions comme le plus important avec les bisons et maintenant il s’en prenait à nous, à notre spiritualité et à nos valeurs traditionnelles. Il voulait nous imposer l’apprentissage du métier de fermier afin de nous rendre civilisés. Les jeunes étaient forcés de quitter leur famille et leur milieu de vie pour aller à l’école des Blancs. Là, il ne leur était plus permis de parler leur propre langue, de suivre leur tradition, faute de quoi ils étaient cruellement punis4. Ainsi, dans tous les domaines, nous étions forcés d’abandonner tout ce que nous avions et ce que nous étions, les valeurs qui déterminaient notre mode de vie : le respect, la générosité, la sagesse, les rites sacrés et nos traditions. Nous abandonnions tous nos biens, allant vivre où le gouvernement nous disait de vivre, apprenant ce que l’homme blanc nous enseignait pour devenir « civilisés ». (à suivre) M.B.B.
La dépouille du chef Big Foot rigidifiée par le froid au matin du 30 décembre 1890
La fosse commune de Wounded Knee
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- 2. La Crête des pins
- 3. Grand Pied
4. Il faut savoir que ce peuple vivait libre dans les Plaines du Sud Dakota et, pour les jeunes, c’était une terrible épreuve que de se retrouver ainsi enfermés dans une école pendant des mois sans revoir leur famille – alors que la relation familiale est primordiale – ou, pire encore, être mis au cachot pour avoir transgressé les règles des Blancs, dont la principale était l’interdiction de parler la langue. S’ils désobéissaient, les enfants étaient obligés de manger du savon. Les garçons, comme les filles étaient habillés à la mode des Blancs, leurs nattes étaient coupées sans ménagement. Ils enduraient une vraie torture morale et physique. Tout était mis en œuvre pour leur faire oublier et perdre leurs racine (NdT : C.B.B)