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Oklahoma-Occitania
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Oklahoma-Occitania
  • Échanges culturels entre les Occitans de France et les Indiens d'Amérique (USA, Canada) : tribus Osage, Kiowa, Comanche, Cherokee, Pawnee, Choctaw, (Oklahoma), Lakota (Sud Dakota), Innu (Canada), etc.
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8 avril 2010

Sic vis pacem, Para bellum ?

La guerre du maïs

mais2Dans nos régions occitanes la culture du maïs occupe d’importantes surfaces et exige d’énormes quantités d’eau. Il n’en a pas toujours été ainsi. Les premiers plants de maïs furent importés du continent américain par les colonisateurs européens. Avec le maïs d’autres plantes alimentaires telles la pomme de terre, le haricot, la courge, la tomate furent « découvertes ». Elles sont tellement devenues présentes dans notre assiette que l’on peut se demander comment nous ferions aujourd’hui sans elles.

corn

En fait le maïs, tel que nous le connaissons, n’aurait peut-être jamais existé sans les Indiens. A l’origine le maïs n’était qu’une frêle graminée sauvage terminée par un seul épi de petite taille. Pas vraiment de quoi nourrir une famille. Il a fallu de longues observations et de nombreuses générations pour comprendre le principe de la pollinisation. Puis un jour un génial anonyme eut l’idée saugrenue de tenter une pollinisation croisée à partir d’une graminée sauvage proche parente. On peut imaginer la communauté constatant un résultat intéressant, c’est à dire une plante de taille plus importante et surtout plusieurs épis de grande dimension. Imaginons à présent une sélection des meilleurs sujets et une utilisation de leurs semences dans l’espoir d’une récolte encore meilleure. Il aura fallu probablement des siècles pour arriver au maïs que « découvrirent », longtemps après, les premiers visiteurs européens.

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Cette petite histoire du maïs, brièvement racontée ici, fut reconstituée par une équipe d’archéologues qui, au siècle dernier, découvrirent au Mexique, dans l’entrée d’une grotte, parmi des vestiges d’occupation humaine, des graines vieilles de 5 000 ans. Elles ne ressemblaient à aucune variété de maïs connue. On découvrit un peu plus tard que la culture du maïs était pratiquée depuis des millénaires en Amérique du Sud et en Amérique centrale. Les contacts et les échanges entre les peuples amérindiens permirent l’expansion de cette culture dans le Sud des États-Unis actuels.

ma_s2

Osage_VillageLes Osages cultivaient le maïs, tout comme d’autres tribus qui pratiquaient une économie mixte de chasse et agriculture. Chez les Hopi, l’économie était basée sur l’agriculture et, en période de sécheresse, le chant de la pluie jouait le rôle de nos modernes systèmes d’arrosage. Ne souriez pas ! Lors du « Printemps indien 95 » nous avions invité des représentants de plusieurs tribus, dont la famille hopi Namingha. Alors que certains des nôtres déploraient une période interminable de sécheresse notre ami Lindbergh Namingha entonna, à leur demande, un chant de la pluie. Le lendemain matin il pleuvait !

Outre la sécheresse, les Hopi, comme les autres Pueblo, redoutaient les raids de leurs ennemis traditionnels, les Navajo. Voici ce que raconte l’auteur hopi Don C. Talayesva dans ses mémoires1 : « J’avais une peur bleue des Navaho. On m’avait dit mille fois qu’on ne pouvait leur faire confiance, que c’étaient des voleurs et des brigands […] Les vieux nous prévenaient qu’ils ressemblaient aux coyotes qui rôdent la nuit, pillent nos terres et emportent nos biens. Pas un qui n’eût son histoire lamentable à raconter, de Navaho qui avaient volé des moutons de son troupeau, du maïs et des melons de son champ, des fruits de son verger et de l’eau de son puits […] » Les Hopi défendaient courageusement leurs biens et la sécurité de leurs familles.

Certes, cette guerre du maïs infligeait de lourdes pertes à ceux qui la subissaient. Néanmoins le préjudice n’avait aucune commune mesure avec celui qu’engendre une nouvelle guerre économique à l’échelle mondiale. L’arme de cette nouvelle guerre est le maïs lui-même, une plante trafiquée dans ce qu’elle a de plus intime : son équipement génétique. Les organismes génétiquement modifiés (OGM) — c’est ainsi qu’on les appelle —, marquent une rupture irréversible avec les anciennes variétés issues de sélections, hybridations et autres interventions humaines qui respectaient les processus naturels, ne faisant que les orienter dans un sens favorable à l’intérêt des hommes, mais qui auraient pu se produire naturellement, par le seul fait du hasard. Il existe certes des mutations génétiques naturelles qui sont à la base de l’évolution des espèces. Mais l’introduction, par exemple, d’un gène de poisson de l’Arctique dans des fraisiers afin d’en rendre les fruits résistants au gel n’aurait eu, on en conviendra, aucune chance de se produire naturellement. De telles chimères donnent le frisson en laissant imaginer un monde complètement fou vers lequel nous accélérons.

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Le maïs génétiquement modifié a donc été créé par les grands semenciers américains et européens, disons plutôt par des compagnies multinationales avec les objectifs annoncés d’augmenter les rendements, de rendre la plante résistante aux parasites et d’obtenir des variétés résistantes à la sécheresse. Tous objectifs parfaitement louables du reste : nourrir la planète, éviter les pesticides, économiser l’eau. En apparence seulement. En fait, après une période favorable et conforme aux objectifs, les résultats obtenus par les fermiers américains depuis une vingtaine d’années sont déplorables. Les rendements subissent une sévère baisse et les insectes parasites se sont adaptés, pullulant comme jamais et nécessitant encore plus d’insecticides. N’empêche. Le maïs trafiqué offre, aux yeux de ses laudateurs, un avantage considérable : chaque année il faut racheter la semence. En rupture avec une tradition paysanne qui remonte aux origines de l’agriculture, consistant à réserver une petite partie de la récolte pour les semailles suivantes, le paysan moderne doit racheter la semence et le kit engrais-pesticides qui va avec. Les nouvelles variétés de maïs transgénique sont désormais la propriété privée de compagnies multinationales. A ce régime les petits paysans de la planète sont condamnés. Les Indiens, créateurs du maïs, comme les autres.

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Le maïs est un cadeau des Indiens au monde. Un fait historique en atteste.

« En 1620, deux cents puritains, fuyant la répression religieuse d’Angleterre, débarquent de la Mayflower au Cap Cod, en plein territoire des Indiens Pawtuxets, « des sauvages cruels, barbares et pleins de fourberie ». Les colons s’installent dans une région au climat rude. Le scorbut les décime dès la première semaine. La famine les guette. Les Indiens accueillent les étrangers avec une amicale curiosité »2.

Ils leur offrent des graines pour se nourrir et leur montrent comment semer le maïs. Telle est l’origine de la fête de Thanksgiving qui est célébrée chaque année en novembre aux Etats-Unis en reconnaissance de ce geste de solidarité.

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Aujourd’hui, les consommateurs comme les petits paysans s’inquiètent des conséquences que peuvent avoir ces nouvelles variétés génétiquement modifiées sur le public comme sur la biodiversité. Le principe de la septième génération que nous ont appris les Indiens — ne rien entreprendre qui puisse porter préjudice aux sept générations à venir — remonte au niveau de la conscience collective. La résistance s’organise notamment chez nous sous forme de « faucheurs volontaires d’OGM ». A Minville dans la Haute-Garonne le 25 juillet 2004 et à Solomiac, dans le Gers, le 5 septembre les faucheurs volontaires se rassemblaient autour de parcelles de maïs. Dans le premier cas, l’arrachage eut lieu malgré la présence de placides gendarmes territoriaux. En revanche, à Solomiac, un escadron de gendarmes mobiles menaçants, harnachés et armés comme des gladiateurs, assistés de chiens et d’un hélicoptère, bombardèrent de gaz lacrymogènes et de grenades offensives les centaines de volontaires aux mains nues.

gendarme_mobilegendarmerie_mobile3Gendarmes_mobiles2

Si ce n’est pas une guerre, croyez-moi, cela y ressemble terriblement.

Jean-Claude Drouilhet

____________________________________

1. Don C. Talayesva, Soleil Hopi, Plon (Terres Humaines), 1959

2. Philippe Jacquin ;  La Terre des Peaux-Rouges, Découvertes Gallimard, 1987

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