Pour un vrai festival de Carcassonne...
Vergonha !
Bertran de La Farge nous a fait parvenir le texte ci-dessous qui est une invitation à protester contre une décision honteuse (Vergonha = honte en Oc) du maire de Carcassonne.
Nous relayons bien volontiers cette information
1. Le Maire de Carcassonne, ville ô combien historique, chasse les artistes carcassonnais de Carcassonne,
en l'occurrence le groupe OC et Christian Salès qui, depuis des années imaginent et réalisent un travail et des créations remarquables. Qui plus est, il les méprise et les insulte publiquement («Médiocre», «ringard»). (Tout Maire est responsable des actes publics et des décisions et des paroles publiques des membres de son conseil municipal). Et pour faire déborder le vase, il importe un Festival venu d'ailleurs : un "show-bizzness parisiano-mondialisé".
On assassine encore une fois Raymond-Roger Trencavel !
Christian Salès
Jean-Claude Pérez, maire de Carcassonne, est content
2. Pour le moment, dans un premier temps, nous ne pouvons avoir recours qu'à la pétition. Si vous le souhaitez, vous pouvez signer la pétition suivante:
3. Une idée concrète est lancée par Maurice Andrieu, comédien et ancien journaliste TV de FR3 : "Organiser un Festival Off comme il y en a un à Avignon consacré plus spécialement à l' occitan et à toutes les langues minorisées de l' État Français". Pour concrétiser, contacter "lo Maurici" : maurici@free.fr .
4. Voici enfin la réaction de l'historienne Anne Brenon :
Adiu paura Carcassona
Je vais essayer de dire le chagrin et la colère d’une occitane de cœur.
Pour paraphraser l’Aragon de Ferrat : « Ah comme j’y ai cru, comme j’y ai cru,
et voici que je suis devenu vieux »... Mais qui est devenu vieux ?
Des mots viennent d’être prononcés, écrits, je les ai lus, ils sont
irréparables, car ce sont des insultes : « Médiocre », « ringard »...
De quoi parlent-ils, les élus du peuple qui emploient ces mots ? Si j’ai
bien compris : du spectacle du groupe Oc, « cathares », consacré aux événements
de 1209, qui a embrasé le théâtre de la Cité en août de l’été 2009. C’est
ainsi qu’ils expliquent que ce type de création ne sera pas reconduit en 2010
dans la programmation culturelle de la ville - qui dans la même foulée affiche
un Festival de pure logique show-bizzness parisiano-mondialisée.
« Médiocre », « ringard », dans la bouche des « Argentins de Carcassonne, »
comme disait le grand Jacques (vous savez, ceux qui passent leur vie à tenter
d’apprendre à danser les claquettes de la cour...), ça veut dire quoi ?
- Médiocre, ringard, de faire sonar l’oc, à Carcassonne, en plein mois
d’août devant plusieurs dizaines milliers de personnes, visiteurs et
autochtones confondus ? De la dire, cette langue, la chanter, la rire, la faire
gronder - tout en prenant soin de la garder toujours intelligible à tous (et
d’abord à ceux qui ne l’avaient jamais entendue, et vont repartir plein
d’éclats d’or dans les oreilles) ?
- Médiocre, ringard, de mettre à la portée de tous la grande voix des poètes
occitans, de l’anonyme troubadour du XIIIe siècle, auteur de la Canso de la
Crosada, à René Nelli ? de redessiner le rempart de pierre à la lumière des
manuscrits médiévaux, rendre vie aux miniatures, leurs gestes aux archers qui défendaient
la ville, le vent dans les bannières qui claquaient, leur sourde rumeur aux
massacres ?
- Médiocre, ringard, de rendre aux bons hommes occitans la verve de leur
parole, que nous ont paradoxalement conservé les registres de l’Inquisition
? d’ouvrir en grand les livres des hérétiques, leurs bibles en occitan dans le
texte, avec leurs mots d’évangile et leurs envoûtantes enluminures ?
- Médiocre, ringard, d’en appeler à la force vraie de l’histoire ? de
montrer la mort de Raimond Roger Trencavel, de parler des bûchers ? Au fait,
l’appellation contrôlée « Pays cathare », qui justifie et sanctifie tant
d’investissements délirants, au dépit de toute recherche historique, de la part
des mêmes « élus du peuple », n’est-elle donc pas un tout petit peu « ringarde
», elle non plus ?
- Médiocre, ringard, d’oser créer, composer des musiques, ranimer des
instruments éteints, en inventer de nouveaux, oser écrire des textes, faire
exploser l’imaginaire sous-tendu par l’Histoire ?
- Médiocre, ringard, pour des élus de gauche, de proposer un spectacle
populaire et familial, dont le prix des places soit accessible aux pauvres
(que nous sommes presque tous, aujourd’hui) ? Un spectacle porteur de sens,
ouvert sur les deux bouts du réel, celui d’hier et celui d’aujourd’hui ?
Soyons modernes, nous disent-ils, conformons nous. C’est ringard de réfléchir, médiocre d’oser. Effaçons en nous tout ce qui nous redresse et nous permet d’aller vers les autres le coeur plein et les mains ouvertes.
Que Carcassonne rentre dans le rang. Allez,
tout le monde aux claquettes !
Paura Carcassona.
Toute ma fraternité à tous les camarades (joli nom)
Des géniaux viticulteurs d’Argeliès aux enfants de Carcassonne et aux heureux touristes d’août 2009, qui sont repartis avec le sourire.
A la plus ringarde, à leurs yeux, des valeurs ; celle que découvrit et reconnut, un jour de 1941, à la bibliothèque de Marseille, la philosophe Simone Weil, qui s’empressa ensuite de venir s’en entretenir, à Carcassonne, avec René Nelli :
à Paratge
Anne Brenon
5. Et pour conclure, très provisoirement, rendons la parole au Troubadour Bernat Sicart de Marvejòls (en 1229) :
Ai ! Tolosa e Provença e la terra d’Argença,
Besièrs e Carcassés qui t’a vist e
qui te vei !