Vision...

Souloumi rouge

Sans doute est-ce l’ultime vision de ce chef indien laissé pour mort sur un champ de bataille, en plein désert aride d’une réserve sur laquelle l’homme blanc l’a contraint à s’exiler. Sa liberté ayant disparu en même temps que les bisons, quel espoir peut-il lui rester si ce n’est ce dernier regard levé vers Wakonda, en guise de prière, pour voir surgir une armée de redoutables cavaliers, à l’avant-bras vengeur dressé, coiffe de plumes au vent ou bâton à-coups en guise de drapeau, révélateurs de la fierté ancestrale, le tout dans un nuage rouge précédé de l’aigle symbolique ? Mirage ? Fiction ? Vision de chamane ?

Cette scène est à rapprocher de celles initiées au cours de la Danse du Soleil, par exemple. Et comment ne pas établir un parallèle avec les negro spirituals des Noirs américains qui exprimaient un espoir similaire ? Indians de totas las colors…

L’essentiel réside dans la pensée qui sublime tout : le corps terrassé libère sa dernière énergie vers l’esprit créateur, capable d’envisager un nouveau décor. Contraste entre une horizontalité inerte et les lignes verticales d’un avenir en marche. Elévation : l’imaginaire devient prioritaire, reléguant la condition matérielle à de l’accessoire. Inventer un futur…

C’est ce qu’avait compris Folco de Baroncelli lorsqu’il avait rencontré les "Peaux-Rouges" de Buffalo Bill lors de la tournée européenne du Wild West Show en 1905. L’on connaît son amitié avec le Sioux Jacob White Eyes, tout comme l’intérêt porté aux Gitans de Sainte-Marie-de-la-Mer et bien sûr, aux manadiers de Camargue. Avec Baroncelli, qui était ami de Mistral, et qui aussi a produit une œuvre en langue d’oc, il est aisé d’établir un lien entre les Occitans et les Amérindiens*. Et dans l’entourage de Baroncelli, il y a ce peintre d’origine belge qui s’appelle Jean Hamman et qui signe cette aquarelle superbe. On peut découvrir son talent en même temps que celui de Baroncelli au Palais du Roure, en Avignon. En marge du festival, c’est une visite enrichissante à ne pas manquer ; sinon, on peut y aller toute l’année (visites le mardi à 15h ou tél : 04 90 80 88)

    * cf. le poème déjà publié Souloumi rouge qui pourrait servir de titre au tableau de Hamman :

"Moun fraire Rouge Canto, ferouge.Es un cant de mort." (Mon frère Rouge Chante, furieux. C’est un chant de mort.)

Folco de Baroncelli

Jacob White Eyes

Norbert Sabatié