Historique d'OK-OC
HISTOIRE D’OK’OC
L’association OK’OC a été fondée le 8 septembre 1989 à Lafrançaise (Tarn-et-Garonne) par un groupe d’une douzaine de personnes dont une moitié habitaient la ville de Montauban, chef-lieu du département.
Les fondateurs étaient animés de la volonté de
mieux connaître et diffuser les cultures traditionnelles amérindiennes, leur
histoire et leur réalité actuelle mais aussi d’une prise de conscience du
renouveau occitan et du sentiment qu’il y avait également urgence à développer
et adapter la culture occitane au monde moderne. La mise en parallèle de deux
problématiques constitue la toile de fond de l’association. Le premier plan est
occupé par une histoire incroyable et pourtant authentique.
En novembre 1829, sous Charles X, trois Indiens
de la tribu Osage arrivèrent épuisés à Montauban. Ils avaient débarqué au Havre
en juillet 1827, avaient erré pendant plus de deux ans dans une partie de
l’Europe, et ne savaient comment revenir chez eux. La générosité de la
population montalbanaise leur permit de revoir leur village du Kansas.
Qu’est-ce qui avait pu pousser
ces Osages à tenter cette aventure ? Que venaient-ils faire en France ? Que
sont-ils devenus ensuite ? Pour comprendre, il faut remonter loin dans
l’histoire de la Louisiane, cette colonie française en Amérique qui occupait la
partie centrale des Etats-Unis, le tiers de la superficie actuelle.
La Nouvelle France
En 1534, sous le règne de François 1er,
Jacques Cartier prend possession du Canada. Avec Samuel Champlain, en 1608
durant le règne de Henri IV, la France en fait une colonie : la Nouvelle
France. Aussitôt, le commerce lucratif de la fourrure s’impose. En effet, les
poils de castors et autres animaux sauvages servent à fabriquer le feutre dont
on fait les chapeaux que tout le monde porte, à cette époque, partout en Europe.
Les autochtones
accueillent avec bienveillance
les nouveaux arrivants, les aident à s’installer et partagent avec eux
leur
connaissance du pays. Ainsi, les Français vont apprendre des Indiens
les
techniques de chasse, de piégeage et de survie dans les immenses forêts
d’Amérique. Les premiers trappeurs français, ceux que l’on appellera
les
coureurs des bois ou voyageurs se dispersent dans la région des Grands
Lacs et prennent contact avec de nouvelles tribus. Les négociants en
pelleteries
vont à leur tour inciter les Indiens à piéger toujours davantage
d’animaux afin
de satisfaire une demande croissante. Ce commerce se pratique sous la
forme du
troc. Les Français introduisent les instruments et outils en métal :
couteaux,
hachettes, aiguilles, récipients divers, mais aussi les perles de
verre, les
étoffes et les rubans.
Ce commerce met les Français en concurrence avec
les Anglais, également implantés dans cette partie du monde. Il faut trouver de nouveaux marchés. On pense à
la Chine. L’idée germe alors de traverser le continent américain d’est en ouest
afin d’atteindre l’Océan Pacifique. Seule la voie fluviale est envisageable au
travers de l’inextricable fouillis forestier qu’est alors l’Amérique.
L’expédition Marquette et Joliet
Ainsi, en 1673, est lancée une mission
exploratoire conduite par un ◄ jésuite, le père Jacques Marquette et un autre
Français du Canada : Louis Joliet. L’expédition composée de l’équipage de deux
canoës part du lac Supérieur. Elle descendra la rivière Wisconsin jusqu’au
Mississippi et suivra le cours du grand fleuve qui, espère-t-on, s’oriente vers l’ouest et se jette dans le Pacifique.
Au cours de leur voyage les explorateurs lèvent
des cartes, recueillent des échantillons végétaux et surtout entrent en contact
avec de nouvelles tribus, inconnues jusqu’alors. La descente du Mississippi se
poursuit sans difficulté majeure bien qu’elle s’avère décevante. Le Mississippi
coule désespérément vers le sud !
C’est alors qu’arrivés au confluent de la rivière
Arkansas, Marquette et Joliet, apprirent des Indiens Illinois que le
Mississippi continuait vers le sud ouest. Les Illinois désignaient la région du sud et de l’ouest
du bassin du Mississippi comme le pays des Wha-Sha-She,
un nom que Marquette transcrit en Osage. Redoutant, s’il continue, de se
retrouver en territoire espagnol et de voir son expédition anéantie, Marquette
décide de retourner en Nouvelle-France.
La Louisiane
Neuf ans plus tard, en 1682, un autre Français,
Robert Cavelier de la Salle, complétait l’expédition Marquette en descendant
tout le cours du Mississippi jusqu’au
Golfe du Mexique. C’est lui qui, appréciant l’immensité du territoire découvert, décida de le dédier à la
couronne de France et de lui donner le nom de Louisiane en hommage au roi
Soleil. C’est ainsi que, sans le savoir – l’auraient-ils su, cela n’aurait rien
changé à leurs habitudes – les Wha-Sha-She devinrent, comme d’autres Indiens,
les sujets de Sa Majesté Louis XIV, roi de France et de Navarre. La Louisiane
qui s’étendait des Grands Lacs au golfe du Mexique et, d’est en ouest du
Mississippi aux Montagnes Rocheuses, était donc une immense colonie,
difficilement contrôlable par une poignée de soldats et parcourue en tous sens
par les coureurs des bois, improbables sujets de la couronne, plus attirés par
le charme des Indiennes, le contact avec la nature sauvage, la liberté totale
et le goût de l’aventure que par le service du roi.
Les Osages
Les Osages sont les Sioux du sud et font partie
du groupe Deghiha qui rassemble lui-même cinq tribus : Ponca, Omaha, Osage, Kaw
(ou Kansas), Quapaw (Arkansas). Ces tribus parlent des langues très proches,
ont les mêmes traditions et ont toujours été alliées.
A l’époque de la Louisiane, leur territoire de chasse avait une étendue
comparable à celle de la France et recouvrait une partie des quatre Etats actuels du Missouri, du Kansas,
de l’Oklahoma et de l’Arkansas. Ils contrôlaient le confluent du Missouri et du
Mississippi et par conséquent les
circuits commerciaux utilisant ces deux puissants cours d’eau.
Physiquement
les guerriers osages étaient
impressionnants, les tailles de deux mètres et plus étant relativement
fréquentes. Musclés et bien bâtis, ils avaient le torse recouvert de tatouages,
portaient des colliers en os et en griffes d’ours, des bracelets de métal
autour de bras et des poignets, des anneaux et divers objets dans les lobes
d’oreilles. Leur crâne était rasé à l’exception d’une crête partant du sommet
de la tête et descendant en mèche sur la nuque. Les jours de fête ou de
cérémonie ils portaient, pour accentuer leur crête un cimier en poils de
porc-épic teint de couleur vive, dans lequel étaient fichées une plume d’aigle
dressée et deux autres plumes retombant sur le coté du visage. Tous les poils
du corps étaient soigneusement épilés, y compris ceux du visage et les
sourcils. Les femmes aussi étaient très belles, vêtues de robes de peaux
teintes de couleurs vives, parées de bijoux d’os teints et de coquillages.
Les Osages pratiquaient une économie mixte. L’agriculture et la cueillette, travail surtout des femmes et des enfants et la chasse, réservée aux hommes. L’agriculture imposait une sédentarisation tandis que la chasse, surtout celle du bison, exigeait le nomadisme. Les Osages furent donc un peuple semi-nomade, partageant leur temps entre la vie dans les villages de huttes au bord des cours d’eau, et les deux campagnes de chasse annuelles, au printemps et en automne. Le reste du temps les chasseurs poursuivaient un gibier de moindre importance et pratiquaient le piégeage (la trappe : mot français dérivé de l’anglo-américain “to trap” = piéger). Le commerce des peaux faisait donc partie de leur économie et la tribu veillait jalousement à maintenir son monopole dans sa zone d’influence. D’où les guerres, accrochages, raids punitifs et autres expéditions ayant pour but le vol de chevaux, de femmes ou la capture d’esclaves.
Les Osages étaient des guerriers redoutables qui
savaient se faire respecter. Les Français comprirent vite qu’ils ne pouvaient se
passer de leur alliance dans cette région stratégique et qu’entrer dans leurs
bonnes grâces par des cadeaux, des avantages et des hommages serait le seul
moyen de maintenir leur prétendue domination. Les trappeurs poussèrent loin les
hommages, surtout envers les femmes dont ils firent leurs épouses et auprès desquelles ils vécurent dans les
villages, adoptant vêtements, les us et coutume osages, se fondant dans la
tribu. Ils eurent de nombreux enfants dont les descendants portent aujourd’hui des noms tels que Labadie,
Clavier, Robedeaux, Larose, Boulanger.
Les Occitans ont laissé en Amérique de nombreuses
traces de leur passage : la ville de St Louis, fondée par le Béarnais baron de
Laclède ; la ville de Detroit, fondée par le Tarn-et-Garonnais sieur de
Lamothe-Cadillac (et dont la marque Cadillac porte aujourd’hui le nom), la
rivière Gasconnade et encore bien d’autres...
Bonaparte et Jefferson
1803. Napoléon Bonaparte n’est encore que le Premier consul se sent déjà le maître de la France. Il se sait promis à un destin exceptionnel pour lequel il va avoir besoin d’argent. Que faire de cette lointaine colonie des Amériques, si difficile à contrôler et tellement exigeante en soldats ? Conseillé par Talleyrand, il appelle le président des jeunes Etats-Unis d’Amérique, Thomas Jefferson. Ce dernier qui occupait le poste d’ambassadeur à Paris pendant la Révolution a peine à croire l’inattendue proposition qui lui est faite. La Louisiane lui est offerte sur un plateau pour la modique somme de 15 millions de dollars. Il achète et double ainsi d’un seul coup la superficie de son pays. La République fédérée des treize colonies américaines fondatrices s’étend désormais jusqu’aux Montagnes Rocheuses.
Les Indiens des Plaines sont devenus Américains
sans le savoir. Cependant, leurs descendants devront attendre 1929 pour obtenir la citoyenneté !
Les Français n’étant plus les maîtres se
désinvestissent de cette partie du monde. Les Osages feront partie de ceux qui
vont le regretter. Aussi surprenant que cela paraisse, un groupe se forme
autour d’un chef : Ki-He-Kah-Shinkah
(Petit-Chef) avec le projet de « rendre visite aux Français dans leur tribu ».
C’est le début de l’odyssée.
Le voyage
Nous sommes en 1827. Depuis quatre ans déjà dans un village du Kansas au bord de la rivière Osage, affluent du Missouri, des Osages stockent des peaux de castor, de renard et d’ours. C’est la seule monnaie qu’ils possèdent pour payer la traversée de « la Grande Eau ». Le groupe comprend une douzaine de volontaires, hommes et femmes, décidés à tenter l’aventure. Ils construiront des radeaux, embarqueront les peaux, leurs armes et bagages et se laisseront porter jusqu’au Missouri. De là ils descendront le cours du Mississippi jusqu’à la Nouvelle Orléans et traverseront la Grande Eau Puante jusqu’au pays des Français.
La première partie du voyage se passa bien.
Hélas, sur le cours inférieur du Missouri, peu avant d’atteindre le confluent
du Mississippi et la ville de Saint Louis, les radeaux chavirèrent dans les rapides et les peaux furent perdues.
Découragés et inquiets d’un si mauvais présage la plupart des Osages décidèrent
de rentrer au village.
Six d’entre eux décidèrent de continuer.
Le groupe réduit ne comprenait plus que quatre
guerriers et deux femmes. Le chef Ki-He-Kah-Shinkah
(Petit-Chef) et son épouse Gthe-Do’n-Wi’n
(Femme-Faucon); le guerrier Washinka-Sabe
(Esprit-Noir) et son épouse Mi-Ho’n-Ga
(Soleil Sacré) âgée de 19 ans et parente de Femme-Faucon ; A-ki-Da-Tonkah (Grand-Protecteur-de-la-Terre) était le héraut du
village (town crier) et se faisait appeler Grand-Soldat ; enfin, le sixième
membre du groupe se nommait Minckchata-hooh
(Jeune-Soldat).
Les voici à St Louis qui n’était alors qu’une
grosse bourgade au confluent des deux plus puissants cours d’eau d’Amérique du
Nord. Ils y font la rencontre d’un Français, David Delaunay, portant beau
l’uniforme de colonel de l’armée des Etats-Unis. Celui-ci pressent le parti
qu’il allait pouvoir tirer de l’exhibition de ces « sauvages » en France. On
est en pleine période romantique : Chateaubriand vient de publier Le Voyage en Amérique et, l’année
précédente, Les aventures du dernier des
Abencérages.
Delaunay prendra les passages à sa charge. Les
Osages acceptent. Le groupe descend le cours du Mississippi par steamboat et
arrive à La Nouvelle Orléans où il embarque sur un voilier : la New England qui
fait route sur Le Havre. Nous sommes à la fin juin 1827.
Le pays des Français
Le 27 juillet 1827 à midi, sous un soleil
radieux, la New England entre dans le port du Havre. Toute la ville ayant été
informée de l’arrivée imminente des Indiens par le bateau de la veille,
quarante mille habitants — la totalité de la population du Havre — se sont
massés sur le port. La foule se presse sur les quais, il y a des gens à tous
les balcons, même sur les toits des maisons et jusque sur les bateaux amarrés
où l’on voit des grappes humaines accrochées aux gréements des navires.
L’accueil est triomphal.
Sur le pont de la New England, les quatre
guerriers nus jusqu’à la ceinture laissent voir leur peau cuivrée et luisante.
Leur crâne rasé est surmonté de la crête piquée de plumes d’aigles. Les visages
sont peints en rouge et sillonnés de lignes vertes ; au bras de longues plaques
d’argent et au cou des colliers de perles. Impassibles sous le soleil ils se
tiennent bien droits, leur lance à la main, plusieurs ont un casse-tête, tous
ont les arcs et les carquois. Les femmes portent aussi le costume traditionnel
: une blouse de couleurs vives ; la jupe-couverture rouge à rubans appliqués,
les jambières et les mocassins. Les cheveux, peignés avec soin, sont portés
longs et descendent librement dans le dos. Un duvet coloré planté dans la
chevelure pend sur le côté.
A grand-peine, tant la foule était compacte, on
les fit descendre du voilier et monter dans la voiture qui les conduisit à
l’hôtel de Hollande. Leur première visite fut pour le maire qui les reçut selon
la tradition française qui veut que tout discours officiel soit dignement
arrosé. Le muscat de Rivesaltes qui fut servi ce jour-là en fit voir de toutes
les couleurs à Grand-Soldat qui avait un peu forcé sur la dégustation.
Les jours suivants, c’est un tourbillon de
divertissements : promenade en voiture, parade de troupes à la citadelle,
séance de voltige au manège, assaut d’armes, séance de « physique amusante »,
banquets, invitations, etc. Ces dames se font un plaisir d’offrir aux jeunes
Indiennes des bijoux fantaisie et des objets de toilette qui sont acceptés avec
une joie non dissimulée. Mais l’on ne pouvait s’éterniser. Paris les attendait.
Le 7 août au matin, bizarrement affublés de
redingotes bleues, les Indiens embarquent sur le bateau à vapeur Duchesse d'Angoulême qui remonte la
Seine. La première escale se fait à Rouen où, de nouveau quarante mille badauds
sont rassemblés depuis des heures. Le
Moniteur du 12 août commence à diffuser la nouvelle : « Les six Indiens font fureur à Rouen. La
foule assiège continuellement l’hôtel qu’ils occupent. Le 8 août ils se sont
rendus au spectacle dans une voiture découverte et, en costume, dans la loge du
gouverneur... Après le premier acte le prince s’est levé et a débité dans sa
langue bien des choses fort agréables sans doute mais auxquelles on n’a rien
compris...» La curiosité de la foule était telle que, pendant les entractes, le rideau fut levé
afin que le public pût mieux considérer les Indiens.
Rouen ne devait jouir que cinq jours de leur
présence. Dès le 13 août les Osages montaient dans le « vélocifère » en
direction de Paris.
Paris
Leur première sortie fut pour rendre visite au baron de Damas, ministre des affaires étrangères, qui les avait conviés à un repas de quarante couverts. Deux jours plus tard, le 21 août, ils se rendirent à la cour à Saint-Cloud où ils furent présentés à Charles X et aux princes.
Ces devoirs officiels remplis, les Indiens furent
la proie du public parisien... et de l’astucieux Delaunay. Ce dernier avait
fait paraître dans les journaux une note selon laquelle on pouvait se procurer
— moyennant finances, naturellement — les lettres d’entrée indispensables pour être reçus par les
Indiens. D’autre part, les directeurs de théâtre se disputaient le privilège
d’accueillir les Osages dont la présence, annoncée d’avance, avait la vertu
infaillible de remplir la salle, quelque fût le spectacle.
Ainsi on les traîna, successivement à l’Opéra ; à
la Gaieté, aux Nouveautés, aux Variétés, à l’Odéon, etc. Le Figaro écrit malicieusement «
Les directeurs de théâtre viennent de faire chacun une commande de six sauvages
pour la prospérité de leur administration »
A Tivoli, les Osages sont la vedette de plusieurs
« fêtes extraordinaires ». Leur présence est notée aux journées aquatiques de
Bercy, au cabinet des cires où ils ont pu voir leurs sosies, sur le bateau à
vapeur de Paris à Saint-Cloud, aux exercices militaires de Vincennes, au jardin
du roi où ils sont allés contempler la fameuse girafe.
Une douce folie s’est emparée des Parisiens.
Dans les cafés on sert le «punch aux Osages », la
haute couture lance des « osagiennes » ou « missouriennes » en laine. La mode
est aux Osages... Elle fut éphémère.
A la fin octobre la presse cesse de parler du
sujet. Peu de temps après Delaunay, reconnu comme escroc par une ancienne
victime est mis en prison. Les Osages sont livrés à eux-mêmes, ne sachant
comment faire pour rentrer dans leur pays. Ils partent sur les routes de
France.
Au printemps de 1828 on retrouve leur trace en
Belgique. A Liège la jeune Soleil Sacré a mis au monde des jumelles dont l’une
sera adoptée par une Liégeoise. Le 1er janvier 1829 on les retrouve abandonnés
et mourant de faim à Friboug-en-Brisgau ; après quoi ils ont erré à travers
l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse et jusqu’en Italie. Finalement ils se
séparent en deux groupes, sans doute à la suite d’un désaccord sur le moyen de
rentrer au pays. Les uns veulent demander du secours à La Fayette et se
dirigent vers Paris. Les autres comptent sur Mgr Louis-Guillaume Dubourg, ancien évêque de la Louisiane, en
poste à St Louis d’où il envoyait les missions évangéliques chez les Indiens
des Plaines. Les Osages le connaissent bien et nombreux sont les baptisés dans
leur tribu. Ils ont appris que Mgr Dubourg avait été nommé au siège du diocèse
de Montauban, dans le sud-ouest de la France.
Montauban
Le pont vieux de Montauban
Petit-Chef, Femme-Faucon et Grand-Soldat
traversent le sud de la France. Ils font une étape en Avignon où l’adjoint au
maire, Hector de Laurens, fait voter une petite subvention pour leur venir en
aide. L’hiver est précoce cette année-là. Novembre 1829 : le petit groupe
affamé et épuisé traverse le Pont-Vieux de Montauban. Le Tarn est gelé depuis
plusieurs jours. Au bout du pont, ils tournent à droite et remontent la rue des
Bains. Encore quelques mètres et les voilà devant la grille de l’hôtel d’Aliès,
résidence de l’évêque (aujourd’hui la mairie de Montauban). Louis-Guillaume
Dubourg les accueille en sa demeure et les réconforte. Le lendemain il organise
la collecte dans le diocèse, auprès de bourgeois, des notables, jusqu’au maire
de Toulouse qui est sollicité. Les Montalbanais sauront se montrer généreux :
en quelques jours la somme nécessaire au voyage de retour et réunie et le
cauchemar va prendre fin. Les Osages embarquent sur un bateau qui descend le
Tarn puis la Garonne jusqu’à Bordeaux. Finalement le Bayard les ramènera au
pays.
Et les trois autres ?
Ils échouèrent à Paris en septembre 1829 où le
Consul général des Etats-Unis, Mr Barnet, aidé par La Fayette les hébergea et les nourrit jusqu’à ce qu’il ait pu les faire embarquer
au Havre.
Au moment-même de leur départ tous leurs effets furent saisis par des créanciers en gage des dettes qu’avait contractées en leur nom leur malhonnête manager. Enfin, comble de malheur, deux hommes succombèrent de la variole, au cours du voyage et la jeune Soleil-Sacré rentra seule au pays natal avec son bébé.
De retour dans leur village les Osages
racontèrent leurs aventures et mésaventures. Leur séjour de deux ans et demi
avait laissé dans leur esprit des traces profondes, du moins on peut le penser
car cette histoire ne s’éteignit pas avec ceux qui l’avaient vécue. Elle leur survécut grâce à la tradition orale
qui la transmit d’une génération à la suivante avec une grande fidélité. En
effet, l’histoire fut écrite pour la première fois en 1929 dans le Bulletin de
la Société d’Histoire du Missouri. Elle fut reprise ensuite dans le magazine
français Historama (N°40 de juin
1987) dans un article intitulé « Des Peaux-Rouges à Paris » signé de Guillaume de Bertier de Sauvigny auquel
la partie de ce récit qui se déroule en France doit de larges emprunts.
Mais l’histoire ne s’arrête pas
là
Les Indiens gênent les Blancs dans leur projet
d’expansion vers l’ouest. Les Osages vont être déplacés d’une réserve à une
autre, du Missouri au Kansas pour arriver enfin en Oklahoma. Une réserve leur
est attribuée au nord de ce qui s’appelait alors le «Territoire indien » qui
est de nos jours l’Oklahoma. Le territoire correspond en superficie à deux
départements français, mais il est insuffisant pour la chasse. D’ailleurs les
bisons ont disparu et... le cœur n’y est plus. La tribu s’étiole, la tribu
s’endort. Le pétrole va la réveiller.
Osage blanket
La couverture Osage... C’est la nappe d’or noir
qui imbibe le sous-sol de la réserve comme une éponge. On connaissait déjà
l’existence du pétrole mais, avant le début du XXème siècle, qui aurait pensé à
cette huile noire et nauséabonde pour faire tourner les moteurs ?
L’irruption de l’automobile va tout changer. L’Oklahoma, le Texas, une partie du Kansas se couvrent de derricks. Dans la réserve osage les puits sont parmi les plus riches. Les Osages vivent le plus grand miracle économique de leur histoire. Les sociétés pétrolières sont invitées à exploiter le gisement et payent de grosses royalties à la tribu. Officiellement le rôle tribal tenu par le Bureau des Affaires Indiennes recense 2229 Osages en 1909. Ils se verront attribuer des parts d’actions, chaque Osage vivant à la date de la répartition, adulte ou enfant, y compris les nouveau-nés sont crédités de parts au porteur.C’est la richesse. Les moins prudents se lancent dans une vie fastueuse, se faisant construire des palais, achetant les voitures les plus luxueuses, couvrant leurs épouses de bijoux. Les gazettes américaines n’en finissent pas de décrire cette vie dispendieuse et au besoin en rajoutent. Cela ne manque pas d’attirer l’attention d’aventuriers, d’escrocs et de filous qui vont exploiter à outrance la naïveté des Osages peu coutumiers du maniement des dollars. Les plus sinistres de ces bandits vont aller jusqu’à la violence. Meurtres, explosions criminelles, incendies volontaires vont décourager les victimes qui s’enfuient, la plupart vers le sud de la Californie où ils demeureront unis entre eux et reliés à leurs familles d’Oklahoma.
D’autres familles osages ont misé sur la prudence
et envoyé leurs enfants dans les meilleures écoles. Ils en reviendront bardés
de diplômes et occuperont des positions enviables dans la société américaine.
Aujourd’hui
La tribu osage existe toujours et compte une douzaine de milliers de membres dont une moitié environ vit toujours dans la réserve, appelée aujourd’hui «comté osage». Son Conseil tribal se réunit régulièrement à Pawhuska, la capitale, également chef-lieu du comté osage. Les Osages exercent les professions les plus variées — ou sont chômeurs — et, quelle que soit leur condition sociale, vivent selon les standards américains.
Conseil tribal osage
Mais tous se retrouvent dans les cérémonies
traditionnelles, jeunes et vieux, pour maintenir leurs traditions, leur
identité et leur culture.
Les Osages aujourd’hui sont des guerriers culturels.
Retour sur OK’OC
En juin 1987, Jean-Claude Drouilhet qui devait
par la suite fonder l’association, lit un article dans Historama. Il y découvre à sa grande surprise l’épisode relatif aux
trois Osages ayant séjourné en 1829 dans la ville de Montauban. Il lance le
projet d’inviter des Osages à Montauban. Il écrit à la tribu. Le chef George
Tallchief et Mrs Angela Robinson acceptent le projet et les échanges culturels.
C’est le commencement d’une nouvelle aventure !
(suite pendant longtemps)