Bill et le massacreur des Kanaks

Lors de mon séjour à Pawhuska l’été dernier (2006), j’eus l’occasion de prendre plusieurs repas au restaurant des seniors osages, l’une des réalisations sociales les plus remarquables du conseil tribal connue sous l’appellation de « Title VI ». On y côtoie des personnes charmantes qui ont toujours des histoires à raconter. Ainsi un jour, à la fin d’un repas, je fus abordé par Bill Mashunkashey, un vétéran de la deuxième guerre mondiale et solide octogénaire.

« Je suis un vétéran de la guerre du Pacifique, me dit-il. J’étais engagé dans le corps des marines et pendant quelque temps j’ai séjourné à Nouméa, en Nouvelle Calédonie. J’étais alors un jeune GI. Un jour, alors que je me promenais avec un ami, je me fis prendre en photo devant la statue de l’amiral Perrier. J’aurais aimé savoir qui était cet amiral et pourquoi on lui avait érigé une statue. La Nouvelle Calédonie est une île française, alors j’ai pensé que peut-être vous pourriez vous renseigner. » Et il me confia la copie informatique de sa petite photo souvenir.

Armé de ces informations je lançai ma petite enquête. Je m’adressai d’abord à la mairie de Nouméa, et ensuite auprès d’une personne habitant sur place dont je parvins à avoir le contact.

L’enquête, rapidement menée, retrouva la statue de l’amiral. Elle trône au beau milieu d’un parc non loin de l’hôtel de ville. Le personnage en question était bien amiral de la flotte mais ne s’appelait pas Perrier. Il s’agissait en réalité de l’amiral Olry ancien gouverneur de la Nouvelle Calédonie. Restait à découvrir ce qui lui avait valu d’être statufié post mortem. Internet me fournit une réponse inattendue autant que tragique. Je cite :

« C’est au vice-amiral Olry qu’incomba la lourde tâche (1878-1880) de faire face à la révolte des Kanaks de 1878. Depuis 1859 les réactions mélanésiennes contre l’installation française s’étaient multipliées. En 1878 éclata une véritable insurrection qui avait pour cause principale l’envahissement des terres par les troupeaux des nouveaux colons européens. Elle dura sept mois et coûta la vie à 200 Européens. Les pertes du côté des révoltés furent impossibles à chiffrer et les dégâts très importants. En janvier 1879 le calme fut rétabli après que le chef de la révolte Ataï fut abattu. »

Voilà donc ce qu’il me restait à révéler à Bill le guerrier osage. Le brave amiral n’était autre que le Custer des Kanaks.

Bill a répondu après quelques semaines d’une longue réflexion… Il digérait la nouvelle.

Jean-Claude Drouilhet