Retour vers le futur
La Prairie retrouvée
« En Oklahoma venez admirer la beauté de la Tallgrass Prairie Preserve, parcourez la piste qui vous fera découvrir une profusion d’événements pittoresques et éprouver d’intenses émotions. »
Le dépliant du « Service de la Conservation et du Développement des Ressources de la Prairie des Hautes Herbes » s'illustre d'un placide bison sur fond d'herbes géantes à tige bleue, la fameuse bluestem grass. Des fleurs jaunes, bleues, rouges parsèment l'immensité verdoyante de la steppe, à peine interrompue de quelques rares bouquets d'arbres déformés par le vent dominant. La plaine ondule à l'infini. Nous sommes dans la prairie de la réserve Osage, à une quinzaine de kilomètres de Pawhuska, chef-lieu du comté et siège administratif de la Nation osage.
La réserve naturelle de la prairie des hautes herbes a été créée au début des années 90 dans le but de restaurer et protéger la prairie originale
Avant l'installation des premiers colons, la prairie était l'un des principaux écosystèmes d'Amérique du Nord, embrassant l'équivalent de quatorze États actuels. C'était un paysage complexe, riche d'une grande diversité d'espèces animales et végétales, dont les équilibres résultaient de la combinaison fortuite de rois principaux facteurs : le climat, le feu et le pâturage. C'était l'époque où les troupeaux de plusieurs dizaines de milliers de bisons parcouraient librement ces immenses pelouses, les tondaient au passage. Leur préférence allait aux herbes tendres qui elles-mêmes partaient à la reconquête des zones ravagées par les incendies des années précédentes.
Le feu pouvait avoir, bien sûr, une origine naturelle. Mais la foudre ne pouvait suffire à expliquer la multiplication des feux de prairie, l'intervention humaine en était, indubitablement, la cause principale.
On connaît le lien étroit, autant culturel qu'économique, qui unissait les Indiens des plaines aux bisons sauvages. La tentation de diriger leurs migrations était donc inévitable.. Les Indiens incendiaient les bois et les hautes herbes, réduisant de plus en plus les surfaces boisées. L'arrivée des colons, agriculteurs et éleveurs, allait bouleverser cet équilibre et, après quelques années, avec la disparition quasi-totale des bisons et la mise en culture de parcelles de plus en plus grandes, la prairie naturelle allait disparaître. Aujourd'hui il n'en demeure à peu près que 10%, le reste a été converti en terres à céréales. C'est ce que l'on a appelé « le panier à pain de l'Amérique. »
une parcelle de la prairie des hautes herbes est en feu contrôlé
En 1989, le Service de la protection de la nature achète le ranch Bernard d'une superficie de 30 000 acres (un rectangle d'un peu plus de 12 km sur 10). Son but : recréer un échantillon de la prairie d'origine, donc un écosystème faisant intervenir les facteurs indispensables que sont l'action du feu et du bison combinées au climat. La réserve naturelle a été sur la carte découpée en parcelles dont on choisit chaque année, par tirage aléatoire, celle qui sera brûlée. Dans le même temps on introduit un troupeau de trois cents bisons en liberté. Le résultat ne s'est pas fait attendre et le système a bien fonctionné : l'ancienne prairie perdue a été retrouvée.
A Pawhuska et dans tout le comté, les Osages observent non sans émotion cette renaissance. Aujourd'hui près de trois mille bisons , groupés en petits troupeaux, vivent en paix dans la prairie. Elle est, pour les Osages, un signe de la reprise économique, le tourisme étant l'une des ressources de substitution à l'activité pétrolière.
Mais au-delà de l'économique, c'est l'aspect culturel qui se trouve sollicité. Le bison et la prairie comme base économique, voilà qui renoue avec la tradition en l'adaptant à des formes modernes. L'impact sur les Osages peut aller plus loin que ne le laisserait supposer une seule reprise des affaires. Comme le soulignait Sean Standing Bear* dans une interview au magazine Oklahoma Today : « Les possibilités ici sont formidables, nous devons retrouver un délicat équilibre mais une fois celui-ci atteint, ce sera une belle chose et il continuera à se perpétuer de lui-même. »
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* Sean Standing Bear, Osage-Oglala est un grand visionnaire comme l'était son arrière grand-père Luther Standing Bear, chef des Oglala-Sioux.
Sean Standing Bear était l'invité d'OK-OC en octobre 1992. Il était venu expliquer aux gens de chez nous et principalement à des collégiens le désastre qu'avait initié cinq cents ans auparavant l'arrivée aux Amériques des caravelles de Christophe Colomb.
On pourra consulter pour en savoir davantage l'article qui avait été publié dans ce blog sous le titre "Nous sommes tous des Standingbearicains"
Sean est un artiste renommé. Pour visiter son site