Dennis Banks
Disparition d’un militant
des droits des Amérindiens
par Marie-Claude Strigler
Dennis Banks (ou Nowa Cumig dans sa langue) est né le 2 avril 1937 dans la réserve de Leech Lake. Il ne connut pas son père et fut abandonné par sa mère, une situation qui était loin d’être exceptionnelle. Comme beaucoup d’autres enfants, il fut élevé par ses grands-parents dans la langue et les traditions anishinabe (chippewa). Il leur fut enlevé à l’âge de cinq ans pour être placé dans une de ces « écoles-pensionnats », censées permettre aux Indiens d’être assimilés dans la culture blanche.
Dès l’adolescence, il connaît une vie d’alcoolisme, de violence et d’aliénation. Il fait quelque deux ans et demi de prison, condamné pour divers vols et agressions. Incapable de trouver du travail, il s’engage dans l’armée et est envoyé au Japon. Il épouse une jeune Japonaise avec qui il a une fille. Déserteur, il est renvoyé aux Etats-Unis, il ne les reverra jamais.
Des années plus tard, en 1968, il crée avec Russel Means et Clyde Bellecourt l’American Indian Movement ou AIM (Mouvement pour les droits des Amérindiens) et participe à des actions spectaculaires dans les années 1970, en pleine période de lutte pour les droits civiques aux États-Unis.
En 1970, un premier coup d’éclat le fait connaître : il fait déclarer le jour de Thanksgiving « jour de deuil national ».
En effet, Thanksgiving est le jour où les colons ont fêté leur première récolte en terre américaine et où ils ont rendu grâce à Dieu pour ses bienfaits. On sait pourtant que si les premiers colons ont survécu dans ce pays inconnu, c’est grâce aux Indiens qui leur ont donné de la nourriture et leur ont montré comment exploiter les ressources locales.
Au mois de novembre 1972, il organise et participe à la Piste des Traités violés, pour protester contre, justement, la violation des centaines de traités signés avec le gouvernement fédéral, qui n’ont jamais été respectés. Les manifestants marchent jusqu’à Washington, occupent pendant quatre jours les bureaux du BIA (Bureau des Affaires indiennes) et détruisent une foule de documents. Ils attirent ainsi l’attention des médias internationaux.
Encore plus spectaculaire fut, en 1973, l’occupation de Wounded Knee, qui a eu un retentissement mondial. Assiégés par les troupes fédérales, les manifestants ont résisté 71 jours. Wounded Knee, situé dans la réserve de Pine Ridge dans le Dakota du Sud, n’a pas été choisi au hasard. C’est là qu’a eu lieu ce que les Américains blancs appellent « la bataille de Wounded Knee » et que les Amérindiens appellent « le massacre de Wounded Knee. Le 29 décembre 1890, le 7ème régiment de cavalerie a donné l’ordre à des Lakotas Minneconjous qui avaient installé leur camp pour la nuit, de se défaire de leurs armes. Black Coyote, un Lakota sourd, n’a pas rendu son fusil, et les Américains ont commencé à tirer, massacrant quelque 300 hommes, femmes et enfants. Les faits sont relatés en détail dans le livre de Dee Brown, Bury my Heart at Wounded Knee (Enterre mon cœur à Wounded Knee). Ce fut la fin des guerres indiennes.
Accusé d’actes de violence pour son rôle en 1973, il fut déclaré coupable en 1975 et risquait 15 ans de prison. Aussi chercha-t-il refuge en Californie, où le gouverneur démocrate lui accorda l’asile. Lorsqu’il fut remplacé par un gouverneur républicain, c’est dans l’État de New-York qu’il trouve refuge. Après avoir été un fugitif pendant 9 ans, il finit par se rendre, et fit 14 mois de prison.
Il eut ensuite quelques rôles dans divers films, dont Le dernier des Mohicans avec Russel Means, Sioux (1937-2012) et quelques documentaires, dont le plus connu, « A Good Day to Die ».(Un bon jour pour mourir), visible sur Youtube.
Tout récemment, il participa aux manifestations à Standing Rock, contre la construction du Dakota Access Pipeline.
En dépit d’actions parfois violentes, Dennis Banks était très charismatique, avait réussi à attirer l’attention sur les problèmes auxquels les Amérindiens sont confrontés, avait acquis le soutien actif de personnalités comme Marlon Brando et Jane Fonda. Il acceptait de faire des interventions pour lutter contre l’alcoolisme, la drogue, la violence, toutes les épreuves qu’il avait connues lui-même.
Il est mort à 80 ans, à la clinique Mayo, à Rochester (Minnesota). Ses 20 enfants et sa centaine de petits-enfants se sont conformés à ses demandes : enveloppé dans une peau de bison, il a eu des obsèques traditionnelles, où les assistants fumaient de la sauge au son des hochets-calebasses.