Séquoia et Eldorado
Les présents tant oubliés
Il était une fois un membre courageux de la tribu Cherokee victime d’un accident de chasse. Immobilisé à jamais par ses blessures, il aurait pu se laisser ronger par l’ennui. Par un de ces efforts de l’esprit que l’esprit seul peut expliquer, il se lança dans une opération de grande envergure qui l’occupa le reste de sa vie : réussir à écrire la langue orale de son peuple. Il rassembla les mots, chercha un système et arriva enfin à un alphabet de 86 signes.
Cette merveille fut adoptée en 1821 par le Conseil des Anciens et permit de transcrire les mots et peut-être de préserver les anciennes traditions amérindiennes qui, sans cela, auraient pu se perdre. Le gouvernement des USA donna son aval à cette recherche et ses résultats. Quand ce même gouvernement décida de chasser les Cherokees de leur terres ancestrales vers celles d’Oklahoma, peut-être pour faire oublier son acte odieux, il décida de donner à l’arbre le plus beau, le plus majestueux, le plus grandiose de l’Ouest des USA, le nom de l’inventeur de l’alphabet, Sikwayi, qui devint séquoia, un nom si présent mais, comme tous les noms, à l’origine si oubliée.
Séquoias en Californie
Rappelons qu'un séquoia a été planté sur la terre indienne du Jardin des Plantes de Montauban en juillet 1992 par une jeune indienne Cherokee d'Oklahoma nommée Vanessa Williams
Amérique du Sud
Il était une fois un chef de tribu indigène de l’actuelle Colombie, les Chibca, dont les Conquistadors découvrirent une qualité qui les rendit fous. Une fois par an, d’un radeau allant vers le centre du Lac de Guatavita, un chef, cérémonieusement, se jetait dans l’eau merveilleusement bleue. Il avait la particularité d’être couvert d’une pellicule d’or qu’une crème adhésive avait fixée à sa peau. Nous ne savons si c’est par les dires ou par traduction que les Espagnols appelèrent cet homme : Le Doré. Jamais ils ne purent assister à la cérémonie du plongeon. L’homme savait-il nager ou chaque chef se sacrifiait-il ainsi à son peuple ? La crème adhésive résistait-elle dans l’eau ? Toujours est-il que les Espagnols, qui avaient déjà la fièvre de l’or, tentèrent de draguer le lac pour en sortir la fortune supposée. Ce fut en vain.
Le compagnon de Pizarro, Francisco de Orellana, plus fou que les autres peut-être parce que son nom commençait par or, tenta de trouver le bon lac et cette quête fut celle de l’Eldorado. Un échec retentissant raconté dans un film palpitant. En conséquence nous vivons toujours avec ce rêve qui, avec ou sans or, est celui du pays des merveilles.
Voici deux hommes pour un continent, dont les noms traversent les langues, alors que les langues de leurs descendants touchent le bord du néant.
27-09-2009 J-P Damaggio
Sources : Le livre de Enzo La Stella T., Uomini dietro le parole, Editore Mursia, 1992